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[Info Public Sénat] Immigration : après LR, au tour des sénateurs centristes de déposer deux propositions de loi

Les Républicains ont détaillé ce week-end les deux propositions de lois sur l’immigration qu’ils vont déposer cette semaine. Des mesures qui divisent la majorité sénatoriale composée de la droite et du centre. Les centristes vont présenter leurs propres propositions dans les prochaines semaines.
Simon Barbarit

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« Il y a trop d’immigrés. Il faut reprendre le contrôle », a résumé Bruno Retailleau, le patron de la droite sénatoriale dans les colonnes du JDD, ce week-end. Avec son homologue à l’Assemblée, Olivier Marleix et le président des Républicains, Éric Ciotti, les trois leaders de la droite ont longuement détaillé, dans un entretien croisé, les deux propositions de loi sur l’immigration qu’ils vont déposer cette semaine.

Des mesures sous forme d’ultimatum adressé au gouvernement

Agacés par les multiples reports du projet de loi de Gérald Darmanin, les LR veulent mettre le gouvernement au pied du mur en présentant des mesures à prendre ou à laisser pour la majorité présidentielle. « Je déposerais une motion de censure si le gouvernement tentait de faire passer par 49-3 un texte laxiste », prévient Olivier Marleix.

Annoncé en juillet 2022, le projet de loi immigration a pris un an de retard. Stoppé à quelques jours de son examen en séance publique au Sénat, le texte du gouvernement avait été, dans un premier temps, renvoyé à la rentrée. Le 26 avril, en présentant sa feuille de route, Élisabeth Borne avait constaté qu’il n’existait pas de « majorité pour voter un tel texte », renvoyant la responsabilité aux divisions de la droite sur ce sujet. Piqué au vif, Olivier Marleix avait alors annoncé, dans la foulée, le dépôt d’un texte commun avec les sénateurs LR, poussant l’exécutif à réajuster son calendrier. Après consultations des différentes formations politiques, le texte doit être présenté en Conseil des ministres en juillet.

Mais pour défendre une ligne dure sur l’immigration et « couper les pompes aspirantes », les cadres de LR en ont conclu qu’un simple texte ne suffira pas. C’est pourquoi, ils plaident pour une révision de la Constitution. « Sinon rien ne sera possible […] toute autre décision serait de la procrastination et le choix de l’impuissance », affirme Éric Ciotti dans le JDD. Leur proposition de loi constitutionnelle veut inscrire à l’article 11 du texte fondamental de la Ve République, la possibilité de légiférer par référendum sur la politique migratoire, et la possibilité pour une loi organique de déroger à la primauté des traités et du droit européen « quand les intérêts fondamentaux de la Nation » sont en jeu. Les Républicains prévoient aussi d’élever au rang constitutionnel le refus des communautarismes et le principe d’assimilation. Ils veulent permettre au Parlement de se prononcer chaque année sur des quotas d’immigration, y compris pour les demandeurs d’asile. Sans oublier une réforme des demandes d’asile qui devront désormais se faire à la frontière ou dans des consulats et ambassades françaises à l’étranger.

voir l’interview de Bruno Retailleau le 10 mai dernier

« LR est en train de reprendre la main politiquement »

« On ne maîtrise plus nos flux migratoires. Ce n’est plus le législateur qui décide mais des instances judiciaires internationales ou le Conseil d’Etat qui s’en remettent à une jurisprudence de plus en plus inadaptée », soutient le sénateur LR Marc-Philippe Daubresse. L’élu du Nord se défend de tout braconnage sur les terres du Rassemblement national de la part de LR. « Une révision constitutionnelle en matière d’immigration était déjà proposée par différents candidats LR à la primaire mais aussi lors de la campagne pour la présidence du parti », rappelle-t-il.

Quant à la seconde proposition de loi, elle reprendra les mesures votées en commission des lois lors de l’examen du projet de loi immigration avant qu’il ne soit reporté, dont la réforme de l’aide médicale d’Etat en aide médicale d’urgence, conditionner l’octroi de visas à la délivrance de laissez-passer consulaires, obligatoires pour qu’un pays récupère l’un de ses ressortissants. Les sénateurs LR avaient également rejeté la création d’un titre de séjour pour les travailleurs sans-papiers dans les « métiers en tension » et la possibilité pour les demandeurs d’asile de travailler dès le dépôt de leur demande de régularisation auprès de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides). Deux points, qui pour le gouvernement, permettent de présenter « un texte équilibré ».

Marc-Philippe Daubresse en est certain. Après la séquence des retraites où sa famille politique est apparue divisée à défendre une réforme impopulaire, « LR est en train de reprendre la main politiquement et s’affirme comme un parti de gouvernement ». « J’étais présent au dernier bureau politique et il y a eu un accord complet de tous les Républicains sur ces textes. Même Aurélien Pradié et Pierre-Henri Dumont n’ont pas montré de dissonance », ajoute-t-il en citant deux députés LR « frondeurs » de la réforme des retraites.

« Je pense que ces mesures peuvent faire consensus au sein de la population. Les Français ne veulent plus d’immigration sans intégration. Nous ne pouvons-nous résoudre à l’immobilisme. Nous proposons des textes crédibles sur un sujet majeur. Il y va de l’intérêt vital de la France », appuie la sénatrice LR, Laurence Garnier.

« On n’est pas obligés d’être d’accord avec la ligne la plus à droite de LR »

Pour autant ce « projet de rupture », loué par les dirigeants de la droite républicaine, risque fort d’être cantonné à un vœu pieux. Rappelons qu’une révision constitutionnelle par référendum, nécessite au préalable une adoption conforme du texte, c’est-à-dire dans les mêmes termes, de l’Assemblée nationale et du Sénat. Et même à la chambre haute où la droite est majoritaire, ces mesures laissent de marbre ses alliés centristes. « Les LR ont tout à fait le droit de faire de la politique. Mais on n’est pas obligés d’être d’accord avec la ligne la plus à droite de LR. Et je rappelle que sans les centristes, les LR ne sont pas majoritaires au Sénat. Pour ma part, je préfère aborder ces enjeux avec lucidité et le moins d’idéologie possible. On ne peut pas aborder l’immigration sans évoquer la baisse de la démographie française et les besoins de certains secteurs économiques », lâche Loïc Hervé, sénateur centriste, membre de la commission des lois.

« Nous sommes en général très réservés sur les révisions constitutionnelles »

Et signe que la majorité sénatoriale est loin d’être unie sur cette question, Philippe Bonnecarrère (centriste) qui fût rapporteur du projet de loi immigration, annonce à publicsenat.fr que son groupe déposera dans les quinze jours deux propositions de loi sur l’immigration « avec trois lignes directrices : l’efficacité, la faisabilité et le respect tant de notre Constitution que des traités Européens que notre pays a voulus, le plus souvent rédigés et signés. Nous sommes en général très réservés sur les révisions constitutionnelles et nous ferons une proposition ciblée, chirurgicale, éloignée d’un chamboule-tout », précise-t-il.

Philippe Bonnecarrère tient, toutefois, à saluer l’initiative de LR. « L’idée que chaque grande composante politique française propose à nos concitoyens ses solutions en matière d’asile et d’immigration est positive et nous espérons que toutes se prêteront à cet exercice d’écriture et de transparence. Cela permet de quitter les postures et autres discours, de regarder concrètement le contenu d’une politique de l’immigration et comment elle peut être mise en œuvre ».

« On ne peut pas se contenter d’être dans l’esquive »

« Ils veulent faire entendre leur voix, ça se comprend. Mais à un moment donné on ne peut pas se contenter d’être dans l’esquive. A quelques mois des élections Européennes, on ne peut pas envoyer un message d’impuissance », défend Marc-Philippe Daubresse qui continue de croire qu’un accord est possible au sein de la majorité sénatoriale.

« L’impuissance, elle s’illustre surtout dans la Méditerranée où il y a des noyés tous les jours. Les Républicains parlent beaucoup du modèle danois. Moi je ne crois pas à la transposition des modèles. La question serait plutôt comment on aide l’Italie à gérer les flux migratoires ? Et la solution passe par plus d’Europe que moins », rétorque Loïc Hervé.

Les parlementaires LR ont également reçu une fin de non-recevoir de la part du gouvernement au sujet de leur proposition de loi constitutionnelle. « Inenvisageable », a déclaré lundi le ministre du Travail Olivier Dussopt. Réviser la Constitution « dans ce sens-là […] singulariserait et stigmatiserait la position de la France au sein de l’Union européenne », a-t-il développé sur franceinfo.

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