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La gestion de l'épidémie suscite une polémique franco-suisse

Le président du Conseil d'État genevois Antonio Hodgers répond aux accusations de laxisme du sénateur haut-savoyard Loïc Hervé.(Archives)

Le coronavirus crispe les relations franco-suisses au sein du Grand Genève. Le président du Conseil d'État Antonio Hodgers se fend d'une lettre ouverte adressée au sénateur haut-savoyard Loïc Hervé, répliquant aux critiques de ce dernier sur la gestion suisse de la crise sanitaire et les risques que celle-ci, jugée laxiste, ferait courir à la France voisine. Dans sa missive diffusée vendredi soir via le site «Heidi.news», le Genevois, qui préside par ailleurs l'agglomération transfrontalière, livre à l'élu de la vallée de l'Arve un exposé sur les mérites de la politique décentralisée helvétique.

L'origine de la bisbille remonte à la mi-mars. Le lundi 16, le Conseil fédéral avait institué l'état de situation extraordinaire avec pour conséquences un durcissement des frontières, une interdiction des manifestations et une fermeture des commerces non-essentiels, le tout assorti d'une recommandation à la population d'éviter les contacts superflus. Le soir même, le président de la République française avait solennellement décrété un confinement général de la population. Les citoyens devaient dès lors se munir d'un justificatif pour motiver par dérogation leurs déplacements.

«Le même effort doit être réalisé»

Cette même semaine, Loïc Hervé annonçait avoir interpellé le gouvernement français «sur la mise en place d'un confinement partiel à Genève et en Suisse, alors qu'il est beaucoup plus drastique du côté français», et ceci alors que «le nombre de cas par habitant est beaucoup plus élevé en Suisse qu'en France», écrivait ce membre de la Chambre haute du Parlement français.

Et le sénateur d'argumenter: «Alors que nous sommes en «état de guerre» (ndlr, tels avaient été les termes du président Macron), nous avons des dizaines de milliers de frontaliers qui font des aller-retours chaque jour. Le télétravail doit être mis en place et le confinement renforcé en Suisse. Le même effort doit être réalisé.» L'habitant de Marnaz, près de Cluses, ne cachait pas son anxiété et appelait à une coordination des politiques menées dans les deux pays. «En Haute-Savoie, notre imbrication humaine et territoriale est telle avec Genève, Vaud et le Valais que nos efforts sont vains et nous risquons bien de payer lourdement les conséquences de leurs choix», écrivait-il encore.

Des propos qui, relayés par plusieurs médias français puis suisses, avaient suscité une controverse que le sénateur s'était ensuite employé à calmer, se défendant «du moindre esprit anti-suisse ou anti-genevois». Mais il répétait son scepticisme face aux mesures de la Confédération voisine et de son ministre de la santé, Alain Berset: «Il pense que la responsabilité individuelle suffit, écrivait le centriste haut-savoyard au sujet du socialiste fribourgeois. En période de crise, je pense le contraire, à mon plus grand regret.»

«La population est adulte et responsable»

Dans sa réplique, qui arrive trois bonnes semaines après l'amorce du litige, Antonio Hodgers s'en prend à la «perception caricaturale de la culture politique helvétique» qui serait-celle de son interlocuteur et s'applique à décrire les traits qui distinguent les deux nations. «Tandis que le chef des armées Macron déclame que la France est en guerre et donne une dimension martiale à la gestion de la crise, le Conseil fédéral suisse insiste sur la responsabilité individuelle et préfère la métaphore sportive du marathon, écrit l'écologiste. Mais ce décalage notable entre les discours de nos deux pays relève, à mon sens, plus d'une conception différente du rôle de l'Etat que d'une réelle divergence de nos politiques sanitaires.»

À l'interdiction française de «sortir de chez soi, sauf pour des motifs d'exception», le magistrat genevois oppose la méthode helvétique fondée sur «la compréhension par chacun.e des règles sanitaires» et «l'adhésion de la population» qui serait «un outil bien plus efficace que toutes les forces de police». Affichant sa conviction «que la grande majorité de la population est adulte et responsable et donc capable d'appliquer par elle-même les règles sanitaires dans l'espace public», le Vert juge superflue l'auto-déclaration à la française qu'il assimile à une «couche supplémentaire de bureaucratie».

Convergence et apaisement

Le Genevois conclut en s'efforçant de pacifier les relations. Il évoque l'apport des soignants français qui constituent 40% du personnel des établissements du canton, l'accueil en Suisse de «dizaines de malades afin de décharger les hôpitaux de l'Hexagone» et enfin les déclarations communes, publiées lundi par le Conseil d'État genevois et les préfets de la Haute-Savoie et de l'Ain, quant à leur volonté de mener un combat conjoint contre le coronavirus.

Beau joueur, Loïc Hervé a rediffusé samedi sur les réseaux sociaux la lettre ouverte d'Antonio Hodgers. «Je lui répondrai bien sûr», promet-il, rappelant que son interpellation initiale remontait au 18 mars et que le contraste entre les mesures des deux pays apparaissait alors très fort et susceptible de créer des difficultés au sein du Grand Genève. Sa conclusion va dans le sens de l'apaisement: «Il a fallu un certain temps pour que les mesures convergent réellement, et très honnêtement, je m'en réjouis.»

Quant à la responsabilité des citoyens suisses et français, elle sera mise à l'épreuve en ce week-end pascal. Avec dans les deux pays une météo radieuse, hélas peu propice au confinement.