Le Sénat s'oppose à l'inscription du droit à l'IVG dans la Constitution

Le Sénat s'est opposé à l'inscription du droit à l'IVG dans la Constitution.
Le Sénat s'est opposé à l'inscription du droit à l'IVG dans la Constitution. © XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP
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avec AFP
Le Sénat à majorité de droite s'est opposé mercredi à une proposition de loi transpartisane visant à inscrire le droit à l'IVG et à la contraception dans la Constitution, examinée en première lecture dans le cadre d'un espace réservé au groupe écologiste. Soutenue par le gouvernement, cette proposition a été rejetée par 139 voix pour et 172 voix contre.

Le Sénat à majorité de droite a rejeté mercredi en première lecture une proposition de loi transpartisane pour inscrire le droit à l'IVG dans la Constitution, soutenue par le gouvernement, mais le débat sur ce sujet passionnel va rebondir le mois prochain à l'Assemblée nationale. Le texte, cosigné par des sénateurs de sept des huit groupes politiques du Sénat, à l'exception du premier d'entre eux, Les Républicains, était débattu dans le cadre d'un espace réservé ("niche parlementaire") au groupe écologiste.

Son rejet a été acquis par 139 voix pour et 172 voix contre, au terme d'échanges parfois vifs qui ont tourné à l'affrontement droite-gauche.

"Contre la volonté de 81% des Français"

"La majorité sénatoriale a fait le choix de s'inscrire contre la volonté de 81% des Françaises et des Français", a réagi l'autrice de la proposition de loi Mélanie Vogel, pour qui "cette bataille n'est pas terminée. Elle commence à peine". Deux propositions de loi constitutionnelles similaires sont dans les tuyaux à l'Assemblée nationale, à l'initiative de l'alliance de gauche Nupes et du groupe de la majorité présidentielle Renaissance.

Au Palais Bourbon, les macronistes veulent porter leur texte le 9 novembre en commission des Lois et la semaine du 28 novembre dans l'hémicycle. Inscrire dans la Constitution le droit à l'IVG "aurait la force du symbole", a déclaré le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti. Il a assuré que "le gouvernement répondra présent pour soutenir chacune des initiatives parlementaires nombreuses en la matière".

"Préférons-nous une société où le droit à l'avortement est protégé au sommet de notre hiérarchie des normes ou une société où une simple loi peut le défaire ?", a interrogé Mélanie Vogel.

Une proposition de loi à soumettre à référendum

La rapporteure LR Agnès Canayer a fait valoir qu'"aujourd'hui ces droits sont pleinement protégés par le droit positif" et qu'il n'y avait "pas lieu d'importer en France un débat lié à la culture américaine". "Le risque politique en France en 2022 n'existe pas et c'est tant mieux", a assuré le centriste Loïc Hervé. "Ici nous ne sommes pas des militants, nous faisons la loi et ce serait à l'évidence une mauvaise loi", a appuyé Muriel Jourda (LR).

À gauche, Laurence Rossignol (PS) a affirmé que "les courants hostiles à l'IVG n'ont jamais désarmé depuis 1975". "Prenez la main, déposez un projet de loi, épargnez-nous ces allers-retours aléatoires", a-t-elle lancé à l'adresse du ministre. Une proposition de loi constitutionnelle, lorsqu'elle est votée dans les mêmes termes par les deux chambres, doit encore être soumise à référendum pour être adoptée définitivement. Un projet de loi peut lui être soumis à une approbation en Congrès.

"Nous connaissons tous la difficulté d'un référendum (...) particulièrement en cette période politique instable", a souligné la sénatrice de Paris Esther Benbassa.

Des soutiens sur les bancs de la majorité sénatoriale

Laurence Cohen (CRCE à majorité communiste) a rappelé que son groupe "avait déposé une proposition de loi dès 2017, avant même la décision de la Cour suprême des Etats-Unis" de révoquer le droit à l'IVG. Les débats se sont enflammés lorsque le sénateur des Bouches-du-Rhône Stéphane Ravier (Reconquête) a défendu une motion de procédure - retoquée par 344 voix contre une- visant au rejet d'emblée du texte, qui selon lui fait "perdre un temps précieux". "Un texte dangereux, inutile, qui permet à ses auteurs de l'agitprop", a-t-il dit, fustigeant des "attaques envers la vie".

"Vous êtes exactement en train de démontrer pourquoi nous sommes en train de faire ce que nous faisons", a réagi Mélanie Vogel. "Imaginons qu'un jour vous soyez au pouvoir, eh bien moi je pense que le droit à l'avortement est sérieusement menacé dans ce pays", a abondé le ministre.

Le texte a trouvé des soutiens sur les bancs de la majorité sénatoriale. 15 centristes ont voté en sa faveur, dont la présidente de la délégation aux Droits des femmes Annick Billon, la rapporteure du budget de la Sécu Elisabeth Doineau, le questeur Vincent Capo-Canellas, la vice-présidente Valérie Létard ou le président de la commission de l'Aménagement du territoire. Deux élus LR ont également voté pour et six se sont abstenus. S'agissant d'une modification de la Constitution, le Sénat a les mêmes pouvoirs que l'Assemblée et dispose en quelque sorte d'un droit de veto.