L’un des nôtres est parti nous laissant, nous, ceux qui l’aimaient, ceux qui restent, dans une peine indicible.
Les témoignages reflètent, depuis une semaine, la très intense émotion qui a saisi Scionzier, le bassin clusien et même au-delà.
Le choc de la nouvelle, les questions sans réponse décuplent l’affection que nous portons à Stéphane Pépin, comme le besoin de l’exprimer.
Cette foule immense cet après-midi dit tout, que nous soyons habitants d’ici ou d’ailleurs, amis, collègues élus…
Alors pour essayer de réconforter toute la famille de Stéphane, ses parents Marcelle et Robert, sa conjointe Manette et leur fils Sandro, je veux rappeler ici devant vous les traits de son caractère qui faisaient de lui un être singulier, très attachant.
Premier des Schonverots aux origines marnerottes totalement assumées et auxquelles il restait attaché, l’activité professionnelle de Stéphane Pépin était clusienne au travers de SP Sono. La culture, la musique, la fête : le métier du son est un métier de la technique mais surtout de relations.
De grandes qualités intrinsèques étaient présentes chez un homme qui transpirait la bonne humeur et la joie de vivre. Toutes les photos que nous avons de lui montrent, notamment sur le diaporama préparé par Sandro, avec son grand sourire et son regard rieur.
Au travail comme en politique, il est des talents qui sont innés et qu’il est bien difficile de développer. Oui, Stéphane était un leader né et un fédérateur.
Et c’est notamment cette qualité qui lui a permis de réunir une équipe autour de lui quand il s’est agi de succéder à Maurice Gradel à la mairie de Scionzier. Dans les périodes électorales que nous avons vécues ensemble, quand il était candidat ou soutien, ses conseils étaient aussi importants que ses coups de main dans l’organisation concrète des choses.
Avec de solides valeurs gaullistes de liberté, d’autorité et de travail, fièrement héritées d’un papa ancien combattant, Stéphane Pépin était un humaniste du concret, efficace et généreux avec ceux qui en ont besoin qui la semaine dernière s’occupait encore, avec Gérald, de réunir du matériel et des vivres à envoyer en Turquie.
Stéphane, c’était aussi la vraie fidélité en amitié, vertu si rare en politique mais dont j’ai pu être maintes fois témoin. Il ignorait tout de la vanité ou de l’orgueil. Il voulait le meilleur pour Scionzier dont il voulait faire une ville phare.
Son départ soudain intervient au moment même où tant de projets étaient en cours. Je pense en particulier à la décision de la Commission Nationale de l’Aménagement Commercial pour un projet important à Scionzier que Stéphane défendait avec énergie pour le bien de tout notre intercommunalité.
Il était tellement heureux d’avoir enfin obtenu gain de cause, après avoir mouillé personnellement la chemise avec son équipe, depuis tant d’années et malgré des oppositions féroces.
Alors je me permets aujourd’hui de nous exhorter, chacun là où nous sommes pour poursuivre la vie de Stéphane Pépin au travers d’un état d’esprit bien sûr, mais aussi des projets qu’il avait pour la commune comme pour notre territoire.
Pour Stéphane et en sa mémoire, 2023 doit être une année où Scionzier puisera dans ses forces pour accueillir les musiques du Faucigny pour le festival comme un nouvelle édition de Musiques en Stock, que Stéphane a accompagné dès sa création en 2001.
Alors, je ne l’entendrai plus m’appeler « mon biquet » pas plus que n’entendrons le rire ravageur du « renard argenté » qui restera gravé dans nos mémoires, j’emprunterai mes derniers mots au poète :
« Cette nuit-là je ne le vis pas se mettre en route. Il s’était évadé sans bruit. Quand je réussis à le rejoindre il marchait décidé, d’un pas rapide. Il me dit seulement :
Ah ! tu es là...
Et il me prit par la main. Mais il se tourmenta encore :
Tu as eu tort. Tu auras de la peine. J’aurai l’air d’être mort et ce ne sera pas vrai...
Moi je me taisais.
Tu comprends. C’est trop loin. Je ne peux pas emporter ce corps-là. C’est trop lourd.
Moi je me taisais.
[…]
Il se découragea un peu. Mais il fit encore un effort :
Ce sera gentil, tu sais. Moi aussi je regarderai les étoiles. Toutes les étoiles seront des puits avec une poulie rouillée. Toutes les étoiles me verseront à boire...
Moi je me taisais.
Ce sera tellement amusant ! Tu auras cinq cents millions de grelots, j’aurai cinq cents millions de fontaines...
Et il se tut aussi, parce qu’il pleurait...
C’est là. Laisse-moi faire un pas tout seul.
Et il s’assit parce qu’il avait peur.
[…]
Moi je m’assis parce que je ne pouvais plus me tenir debout. Il dit :
Voilà... C’est tout...
Il hésita encore un peu, puis il se releva. Il fit un pas. Moi je ne pouvais pas bouger.
Il n’y eut rien qu’un éclair jaune près de sa cheville. Il demeura un instant immobile. Il ne cria pas. Il tomba doucement comme tombe un arbre. »
Antoine de Saint-Exupéry dans Le Petit Prince
Au revoir Stéphane. Attends-nous sur ton étoile, nous avons encore des choses à accomplir ici-bas.